Les figurines de ma femme - Départ pour le tournoi - 54mm

à tous,
D'abord, merci aux fidèles de cette série, sans ordre de préférence: wallace101, Kurgan, ivan7, gedeon, marcelscott, sergent Pepper et pardon à ceux que j'ai oubliés...

Le départ pour le tournoi, c'est le titre qu'elle a donné à cette scénette de cinq personnages. Elle l'a composée exactement selon un dessin extrait de l'ouvrage "Armies of Medieval Burgundy 1364-1477" de Nicholas Michael pour les textes et G.A. Embleton pour les dessins, publié chez Osprey (éditions bien connues des figurinistes) et paru en 1983.
Par rapport au départ pour la guerre, plus terne et moins démonstratif, la préparation d'un chevalier donnait lieu à une débauche de tissus colorés où chacun affichait ses couleurs, son clan, son parti et surtout sa Maison.  Et comme le tournoi était une fête avec un rituel traditionnel où chacun tenait à paraître à son avantage, on ne lésinait pas sur l'apparat.
Nous sommes en plein XVe siècle. L'époque médiévale touche à sa fin. Le centre d'intérêt de la politique européenne va changer de cadre. Jusque là, tourné vers l'Angleterre, perpétuel prétendant au trône de France, et les Flandres dont l'influence économique commençait à supplanter celle de Venise, ce centre géopolitique va désormais s'inverser et s'orienter vers l'Italie et ses champs de bataille mais aussi amener la Renaissance.
Ici, la scène est consacrée à Philippe de Bourgogne, dit le Bon, Duc de Bourgogne, comte de Charolois, fondateur de l'Ordre de la Toison d'Or, à la tête d'états qui s'étendaient du Mâconnais à la Frise (extrême nord des Pays-Bas) et des Flandres à une partie de l'Alsace avec une suzeraineté sur la Franche Comté. Avec une cour à Dijon, il était largement l'égal des Rois de France dont il suscitait la jalousie et il y avait de quoi.

Que ce soit la huque (sorte de chasuble courte portée par dessus l'armure), la flamme de la trompette du héraut ou le caparaçon du destrier, on ne peut louper la riche enluminure de la Maison de Bourgogne et de ses alliés. C'est le grand armorial, portant en son centre son joyau, le lion des Flandres.

Les figurines, de la marque Men-At-Arms, étaient distribuées, à l'époque, il y a plus de trente ans donc, par la Maison Osprey. Copiées sur la gravure éditée, elles ne donnaient pas lieu à transformations, à peine quelques ajustements.
En revanche, avec cette foison de détails, de motifs dont la finesse ne vous échappera pas, mais au prix d'un nombre d'heures à vous décourager, la peinture est un régal mais un sacré exercice de patience pour les figurinistes. Evidemment, ce n'est pas à la portée d'un débutant mais cela ne l'a pas découragée, bien au contraire.

Je vous laisse juges de ce travail que, perso, je trouve remarquable par sa précision, sa régularité et son rendu. 



Vue d'ensemble.









Le héraut d'armes avec sa trompette, le valet d'armes portant le heaume que le chevalier coiffe en dernier.







La croupe du destrier avec son caparaçon, toujours aux Armes de Bourgogne, indéfiniment déclinées sur tous les vêtements les tentures, les bannières,...



Deux hommes d'armes.  Comme l'archer, l'arbalétrier était un homme dit de "trait" parce qu'il lançait des traits qu'on connaît sous le nom de carreaux parce souvent faits d'une tige de forme carrée. Le vougier, lui, était porteur d'une arme "d'hast", variante de la lance, de la pique, etc.



De dos, un arbalétrier, de face trois quarts, un vougier. Le trait ou carreau était court (30cm maxi), lourd (d'où sa remarquable stabilité au vent, sa précision et son puissant pouvoir pénétrant à l'impact. Trois sortes de carreaux: la dondaine ( le plus lourd), le vireton, à l'empennage incurvé lui donnant une trajectoire en rotation d'où sa vitesse accrue et sa précision, précurseur des rayures des canons des armes à feu modernes. Ces deux premiers carreaux étaient pratiquement mortels à tous coups. Le dernier type, le matras, de forme arrondie mais de poids augmenté, cherchait moins à percer et pénétrer qu'à étourdir ou assommer. On le réservait à l'abattage des chevaliers dont on pouvait tirer rançon.
Le vougier, qu'on pourrait plus sûrement appeler charognard, se servait de sa vouge. C'était une arme bâtarde parce qu'à lame asymétrique, tenant de la lance, de la
pique, de la hallebarde, de la pertuisane, etc. Mais un côté de la lame était tranchant et, avec, le vougier achevait en les égorgeant, les blessés dont on ne pouvait tirer rançon.







La gravure du visage n'étant pas exceptionnelle, elle ne pouvait pas en tirer grand parti.

Voilà, jeunes gens, c'est fini pour ce petit détour par cette fin du Moyen Age. L'histoire ne dit pas ce qu'il advint du tournoi mais on peut imaginer le frémissement des hennins coiffant les belles dames, réunies dans la tribune d'honneur et aux pieds desquelles chaque chevalier avait laissé tomber un foulard à ses armes, bien sûr, en signe d'hommage.
Curieuse époque mêlant la sauvagerie sanglante des batailles à ces gestes de pure galanterie raffinée. Si les alcôves (ou ce qu'il en reste...)pouvaient parler...

That's all, Folks!!!  A+
Armand  dit track-teur

quelle précision dans la peinture!!!!
vraiment magnifique!!!

Magnifique en effet toutes ces couleurs ! J'aimerai bien savoir le nombre d'heures qu'il a fallu pour peindre cette merveille ?

ca envoi du bois en effet .... C'est époustouflant

Merci à vous trois.
J'ai posé la question à ma femme. Honnêtement, après plus de trente ans, elle ne s'en souvient plus.
Elle admet: "J'y ai passé du temps!", ce qui signifie un paquet d'heures dépassant probablement la centaine. Je n'ai pas insisté...

A+ les gars
Armand  dit track

A chaque fois on a droit à trois cours, d'histoire et la je suis assez fan; de peinture et pour le coup je suis également client et on apprend plein de nouveaux mots qui n'existent plus mais avec des explications dignes d'un dictionnaire......alors quel couple de peintres vous faites.......époustouflant, ça doit être vachement dur de rester si concentrée et si précise dans les couleurs et les dessins, un énorme bravo....

Merci, marcelscott,
pour ton analyse magnifiquement résumée.

A+
Armand

Félicitations à Madame pour avoir fait ce magnifique chevalier je ne me lasse pas de le regarder sous toutes les coutures
On comprend aisément qu'elle a due y passer un temps certain, voir un certain temps vu toutes ces fleurs de lys
et tous ces blasons .
Ce qui est très agréable avec tes posts, c'est la leçon d'histoire avec tous les détails et nouveaux noms commentés .
C'est un très joli diorama très coloré ce qui ne gâche rien.
Encore un grand à vous deux .   

Comme en particulier à toi, 7ivan, ma femme a beaucoup apprécié vos commentaires élogieux.
Elle vous remercie tous chaleureusement.

A+
Armand  dit track

Je reste sans voix... Je ne poste pas toujours de commentaires sur les réalisations des uns et des autres mais je suis tout et j'apprécie chaque chose à sa juste valeur.

La tout y est ,la beauté ,la qualité, la précision,quelle dextérité et en plus nous avons droit à un cours d'histoire  
Je suis resté sur le c.l sur tes précisions sur les carreaux avec leurres dénominations et leurres utilités (impressionné aussi par le savoir de nos anciens,pour le coup de l’empennage incurvé  )

Un grand :c074:aux deux passionnés que vous êtes

Grand merci à vous tous!

Alors si ça ce n'est pas de la précision dans la peinture...
  à Madame

Vraiment dommage que ce chevalier ait une gueule si raté par le sculpteur (remarque dans la vie tout le monde n'est pas non plus parfait... ) parce que le travail réalisé par ton épouse est tout simplement à tomber ! C'est une pièce d'exception, tout simplement ! Sa peinture rend en particulier le plus bel hommage à la magnificence des étoffes représentées, c'est époustouflant !
Après, que dire sur ta partie pédagogique, toujours passionnante et bourrée d'infos pour un type comme moi, totalement ignare sur la question ?

Juste un mot : ENCORE !

Un grand bravo à madame. et pi toutes ces couleurs ça nous change du gris ou de l'olive drab. Comme Chris, j'en veux encore et encore ( c'est que le début d'accord d'accord )

Francis Cabrel fait des figurines ? Je n'étais pas au courant !

la culture musicale de ce forum oscille entre Cabrel et ACDC.......ça me convient très bien.

Merci wallace101, merci le-sottevillais,
et merci à toi, Chris pour l'honneur que tu nous fais. J'en rougis. Nous tâchons d'être dignes
de la nouvelle rubrique que tu as ainsi ouverte sur ton forum, ce que, maintenant et probablement, tu ne regrettes pas d'avoir fait.

"ENCORE" dis-tu! Je ne te promets pas des petits bijoux comme celui-ci à tous les coups. Par sa richesse chromatique et sa foison
de détails, le médiéval poussé de cette manière et aussi recherché reste encore relativement exceptionnel
car beaucoup renoncent à entreprendre ce travail de bénédictin, pour les raisons que tu devines.
Cette pièce a reçu plusieurs prix mais, au bout de tant de temps, elle n'a plus le souvenir desquels.
Et c'était avant que nous nous rencontrions.  
Toutefois, je peux t'annoncer pour plus tard quelques figurines très léchées du point de vue peinture qui ne te décevront pas.

Merci encore à tous et bonne soirée.
A+
Armand   dit track

fgeiu a écrit:Francis Cabrel fait des figurines ? Je n'étais pas au courant !

Et oui, dans la cabane au fond du jardin, et des fois chez la dame.....la bas en Haute-Savoie 

Ça tombe bien, j'y vais demain en Haute-Savoie...

Et tu prendra les chemins de traverse pour y aller

Couteau Bruno, fgeiu, marcelscott et 7ivan, Merci les gars!

Pendant que vous étiez en train fredonner ou de chanter, je vous ai loupés, je n'étais pas dans la cabane au fond du jardin mais
en train de rédiger mon post, lorsque vous êtes intervenus et, juste après l'envoi, on m'a appelé pour le dîner...
Voilà comment on écrit l'Histoire...
Bonne nuit
A+
Armand   dit track

Bonjour, juste une question : ton épouse a appris avec quelqu'un ou en club, ou bien elle s'est lancée seule ? Vu le travail titanesque je pense qu'il faut plusieurs années de pratique pour arriver à un tel résultat, plus je regarde cette vignette et plus je suis baba devant cette minutie !

Salut Sgt Pepper,

et merci pour ton intérêt. A ton intention, voici un historique très résumé. Gamine, ma femme jouait avec des soldats de plomb et rarement à la poupée. Elle a commencé à peindre des figurines à 15 ans. J'ai montré ce qu'elle peignait à son tout début, ayant retrouvé par chance quelques unes de ses figurines. Les autres ont été perdues.  

Sur le plan de la technique picturale à l'huile fine, elle fut guidée dans ses débuts par Maître Eugène LELIEPVRE, peintre titulaire des Armées. Attention, cet artiste
peignait sur toile, pas du tout des figurines. Mais, il jugeait les travaux de ma femme et la conseillait en lui faisant corriger les erreurs ou accentuer les effets. Mais ce peintre des Armées avait surtout une documentation perso et  l'accès à des sources documentaires de tout premier ordre. 

A 19 ans, elle fut une des sept membres fondateurs des Amis d'Historex. Ce club, réunissait une fois par mois les adhérents qui voulaient bien venir et une école de peinture se forma autour de quelques individualités douées et maîtrisant bien leur sujet, essentiellement sur la ronde bosse.

Le club se développant, à l'occasion de voyages en Angleterre, certains prirent conscience du développement de la figurine dans ce pays, du nombre relativement conséquent de marques de figurines et de l'organisation de concours de peinture de figurines. Ces marques anglaises - aujourd'hui disparues ou en fort déclin - étant quasiment seules sur le marché, tenaient le haut du pavé. Elles proposaient un peu de plastique mais surtout du plomb, la résine étant encore quasiment inconnue. En Europe occidentale, les concours anglais, de renommée internationale, étaient les seuls organisés. Certains des membres de notre club y participèrent avec des fortunes diverses, obtenant au mieux quelques accessits prometteurs.
Si les Anglais raflaient tous les prix, c'est qu'ils avaient une sorte d'organisation pyramidale en ce sens que ne se présentaient au grand Concours International de la BMSS (British Model Soldier Society) à Londres que des pièces ayant gagné les sélections des concours régionaux qui en quelque sorte avaient joué le rôle d'écrémage préalable.
Il y avait des concours en Allemagne mais circonscrits à ce pays car uniquement centrés sur le plat d'étain, tradition teutonne culturelle depuis 1750 à Nuremberg.

C'était lancé et plusieurs de nos membres, fouettés par l'émulation, proclamèrent que les Français, après tout, avec du travail, de la doc, des conseils et de la persévérance tenace, n'étaient pas plus manches que les British. Et tout est parti de là.  Les Amis d'Historex furent les pionniers en France en organisant le premier Concours International dans notre pays. Y ayant largement participé, j'en suis particulièrement fier. Ce concours, vu son succès et sa renommée, fut plus tard imité par un grand nombre de clubs dispersés sur le territoire. Ce concours annuel vit arriver une forte délégation britannique, une belle délégation belge, quelques individualités italiennes et c'était lancé. Nous nous rendions dans les pays étrangers à la faveur des contacts noués, les étrangers venaient chez nous, nous ramenions des prix et tout est parti de là. Plus tard sont venus de fortes délégations italiennes (lançant du même coup une émulation nationale chez eux et la création de marques de figurines avec une génération de sculpteurs et de peintres fondateurs de leur école transalpine), une forte délégation espagnole (avec une évolution identique à celle des Italiens). Puis, vinrent quelques Allemands et quelques Russes, parallèlement à l'évolution politique de l'ouverture des frontières.

Pour la réalisation de cette plaquette consacrée à Philippe le Bon, Duc de Bourgogne, celle qui devint plus tard ma femme avait une petite dizaine d'années de pratique, en comptant depuis ses premiers débuts d'adolescente.

Voilà Sgt Pepper, je crois avoir répondu à ton interrogation. Tu as parfaitement raison: pour un tel résultat, il faut du travail, de la persévérance, de la concentration et de la maîtrise. La figurine est réputée être une occupation de solitaire, jaloux de son individualité, de ses trucs, de ses tours de main, de ses astuces. Il ne faut pas hésiter à contacter d'autres figurinistes - Internet, nom d'un chien, doit pouvoir faciliter les choses, il n'existait pas de notre temps - et sortir de l'isolement pour se comparer à d'autres. L'enfermement n'est pas bon. L'émulation est formatrice.

J'ai terminé mon bavardage. Excusez-moi, je ne pouvais pas faire plus court en langage correct sans abréviations et pour des explications claires.

A+ amis figurinistes de tous niveaux.
Armand  dit track-teur (connu sur d'autres sites sous le pseudo de "Gribeauval").